Qui : Slash | Quand : 1992 | Quoi : son matériel, sa technique, Use Your Illusion...


Tu possèdes le son le plus chaud et le plus "énorme" depuis Dickey Betts et Duane Allman.
J'ai toujours été intéressé par les types au gros son. Quand j'ai commencé à jouer, sans même avoir à y penser, j'ai immédiatement recherché un son particulier. J'ai essayé des effets, une Echoplex, un pédalier boss mais je n'en ai jamais rien tiré. Je bouge tellement que, souvent, j'expédiais tout ce merdier au bas de la scène. J'ai été jusqu'à, arrêter de me servir d'une pédale wah wah, parce que ça me gonflait vraiment trop d'avoir à courir vers elle au beau milieu d'une chanson. Et j'ai horreur d'avoir des emmerdements avec mon signal. J'ai mis une éternité à m'habituer au système Wireless. J'ai essayé au moins une centaine de Nady, avant de trouver celui qui ne modifiait pas mon son.


Tu es l'un des seuls à posséder un son immédiatement reconnaissable.
Vous trouvez ? Il y a une manière simple de savoir si vous pouvez l'identifier. J'ai joué un solo sur une des chansons du dernier album d'Alice Cooper. J'utilise une Gibson Melody Maker avec deux humbuckers, ce n'est donc pas mon son Les Paul, mais le solo me ressemble quand je l'écoute. Je suis un peu contrarié, parce qu'Alice a fait une vidéo de ce titre dans laquelle il y a Joe Satriani. J'en ai ras le bol. J'adore Alice donc je ne veux pas me mettre vraiment en pétard, mais ça me prend vraiment la tête qu'on puisse penser que c'est Satriani qui joue mon solo, d'accord ? Quand j'ai quitté le studio, toutes les guitares étaient faites. Un peu plus tard, ils ont rajouté ce mec, peut-être quelqu'un du groupe, peut-être Satriani, qui joue la mélodie du refrain a la fin de la chanson. Je l'ai entendu aujourd'hui sur MTV : il y a mon son, qui est du genre méchant, et tout à coup cette autre guitare se pointe. J'espère que personne ne pense que c'est moi. Je veux que ça soit clair.


| Les débuts |

Comment as-tu commencé ?
Ma première guitare a été une classique avec un seule corde; qui traînait à la maison. J'ai appris seul une chanson de UF0 et "Smoke On The Water". Ma grand-mère était vraiment super ; elle m'a acheté une copie d'Explorer sur laquelle je me suis déchaîné. Malheureusement; c'était une merde. Ensuite, j'ai eu une Memphis copie Les Paul. Un jour, pendant une répétition, je l'ai collée dans le mur la tête la première, tout de truc accordé.


Travailles-tu beaucoup ?
J'ai été un accro du travail. J'ai joué jusqu'à douze heures par jour. Je m'y suis mis assez vite que parce que j'étais naïf, dans un sens. Je n'étais pas frappé par le côté star, et les autres guitaristes ne m'intimidaient pas au point de me faire du souci. Je n'avais pas l'impression de devoir atteindre un but, je me contentais. d'apprendre. Un tas de gens se disent : "Cela va me prendre dix ans pour arriver là" et ça les rend dingues. Je ne fais qu'une chose à la fois, donc dès que j'ai commencé la guitare, je n'ai plus fait que ça. Disons que ça a remplacé l'école.


A quel moment as-tu enfin eu un bon instrument ?
C'était une B.C. Rich Mockingbird, j'aimerais encore l'avoir. Je l'ai mise au clou pendant une de mes prétendues mauvaises périodes. Mais je l'ai utilisée du sein de plusieurs groupes. Plus tard, j'ai eu une copie Les Paul 59 faite à la main par, un type qui produit des guitares terribles ; bien mieux que tout ce que peut sortir la compagnie de nos jours - même si je n'ai rien contre Gibson. C'est à ce moment que je suis devenu un allumé de Gibson, et de Marshall. Ça 'a été mon standard jusqu'à cet album.


Pendant que tu t'affirmais, as-tu vu de bons instrumentistes à LA ?
Je ne pouvais pas me payer de places de concert où j'aurais été assez bien placé pour piquer quelque chose des types qui jouaient. Mais, je ne sais pourquoi, quand j'écoutais, je comprenais comment ça se passait. Eddie Van Halen est le seul qui aurait pu me renverser, mais je n'ai jamais essayé de l'imiter; j'ai toujours pensé que ce style lui était propre. Ça m'a vraiment gonflé de voir tout le monde se précipiter dans son trip. Maintenant; je crois qu'il ne se rend pas vraiment compte de ce qu'il fait (rires).


As-tu eu une formation théorique ?
Un prof, Robert Wallon - un type super, qui est pour beaucoup dans le fait que je sois devenu guitariste - m'a montré le bon chemin. Comme tous les profs sont supposés le faire, il m'a fait lire la musique et jouer "Mary Had A Little Lamb". C'était tellement chiant ! Mais Robert jouait cette merde à la guitare, c'est toujours un des meilleurs guitaristes que j'aie rencontrés. J'apportais des disques et il jouait "Stairway To Heaven" note pour note. II avait un super groupe de reprises qui jouait du Cream et du Zeppelin. Ça m'emmerdait vraiment d'avoir à m'asseoir devant cette couillonnade de Mel Bay. Donc, j'ai arrêté et je suis devenu autodidacte : je travaillais à plein temps pour subvenir à ma "manie" de la guitare et je veillais, jusqu'à Dieu sait quand, pour travailler et apprendre. A cette époque mon truc, c'était Jeff Beck : je me souviens avoir appris "Cause We've Ended As Lovers" ("Blow By Blow") intégralement, avec toutes les finesses. II y avait aussi Aerosmith, Ted Nugent, Cheap Trick et Zeppelin. J'ai vendu mon âme à la guitare. Si j'arrêtais de jouer maintenant, je n'aurais plus d'avenir (sourires).


Tu travailles les gammes ?
Non. Robert a essayé de m'inoculer ça. J'ai bien dû apprendre des gammes pentatoniques dans quelques positions; mais dès que je me suis guitaristes ne m'intimidaient pat au point de vraiment mis à la guitare lead, les gammes sont passées par la fenêtre.


Quelle est donc ton approche du solo ?
Je sais dans quelle tonalité je suis, mais c'est plutôt la note qui m'intéresse. On se retrouve automatiquement dans certains schémas parce qu'ils contiennent les notes recherchées Dans Use Your Illusion, c'est la première fois que j'aborde les notes de passage.


Quel est le secret pour réaliser un grand solo ?
La chose la plus importante est de l'entendre dans sa tête et de le transposer, via les doigts, sur le manche en une fraction de seconde. C'est ce qui manque à la plupart des gens. Au lieu de jouer des schémas, il faut entendre la mélodie qu'on va reproduire. Il faut de l'expérience pour savoir où ça se trouve sur le manche. Je suis toujours en train d'apprendre ça; c'est une chose à laquelle très peu de guitaristes de ma génération ont prêté attention. On a plus de chances d'atteindre son but en entendant le solo avant de le jouer, plutôt qu'en cherchant on ne sait trop quoi.


Pendant les concerts, essayes-tu de rejouer les solos enregistrés ?
Pour certains titres, c'est hors de question, car je ne sais même pas comment j'ai fait. Ça ne peut marcher que si la mélodie est à ce point gravée dans ma tête que je l'entends en jouant.


Tu travailles beaucoup ces temps-ci ?
J'ai horreur de jouer à la maison. Je le fais pour écrire des chansons, mais j'adore jouer vraiment fort et je ne tiens pas à ce que mes voisins m'entendent. Sinon, je mets la chaîne à fond et je jamme avec le disque. J'ai toujours une guitare qui traîne, mais les chances de m'en voir jouer sont plutôt minces. Je suis soit en répétition, où je peux composer et jouer avec une puissance "mégadécibelique", soit en studio.


Tu transportes un magnétophone pour garder une trace de tes idées ?
Jamais. Je me souviens de tout. Si je joue un riff, comme par exemple dans la loge avant le show, de toute façon, je vais m'en souvenir. Si je devais enregistrer quelque chose, ça serait sur un petit machin. J'ai horreur du trip quatre pistes, huit pistes, le casque et tout ça, ça ne prend pas avec moi.


Parles-nous de ta technique de main droite.
C'est probablement mon point le plus faible. Dans "Locomotive", il y a ce riff insistant, il faut que je sois vraiment efficace pour ça. Si je ne me concentre pas sur ma main droite, en surveillant vraiment l'angle, je peux me paumer. Je pose toujours mon petit doigt sous le micro aigu. Des fois, j'ai la main un peu lourde; je tape vraiment fort sur cette putain de guitare. Je tiens mon médiator comme ça (il le saisit entre son pouce et son index).


Ton pouce est recourbé et le mouvement réside dans la première phalange de tes doigts.
Pour les choses compliquées, sinon je me contente de taper.


Tu casses beaucoup de cordes ?
Avant, sans arrêt. Maintenant, c'est plutôt rare. Si ça m'arrive sur scène, ça bousille tout mon truc, car c'est toujours un Si ou un Ré; et je dois changer de guitare.


Joues-tu beaucoup aux doigts ?
Assez souvent, oui. Un peu comme Mark Knopfler, surtout pour le blues et les solos. Pendant le show, je me sers de mon pouce et de mon index pour le truc Hendrix (le riff de "Voodoo Child").


| Les guitares de studio |

On dit que tu as une collection impressionnante de guitares.
Environ une cinquantaine. Je suis un allumé des guitares. A quoi est-ce que je dépense mon argent : les serpents, les guitares et les voitures. J'essaie de ne pas trop dépenser avec les femmes ! Je garde tout à l'abri. La guitare dont je me servais pour Appetite For Destruction était la seule que j'avais alors. Maintenant, elle est complètement pourrie.


La copie 59 ?
Ouais, celle faite à la main avec le yellow flame top et les Zebra (Seymour Duncan) Alnico II comme micros. Pour le premier disque, j'ai dû essayer une dizaine de guitares avant d'en trouver une qui me plaise. Et je ne pouvais pas me payer une de ces Les Paul ridiculement chères. Quand notre manager d'alors est apparu avec cette guitare à la main, c'est devenu mon instrument principal pour le studio.


Tu l'utilises pour "Sweet Child O'Mine" ?
Ouais. Pour presque tout sur Appetite For Destruction et puis pour la plupart des titres heavy sur Use Your Illusion.


Quelles guitares as-tu utilisées sur cet album ?
Quelques putains de grandes guitares. Une Flying V de 58 et une Explorer de 58. Il y a un certain son "nasal" qu'on peut entendre sur "Heaven's Door", "Locomotive" et quelques autres chansons. Ca sonne un peu comme Michael Schenker. C'est uniquement le contrôle de la tonalité de la V, pas la pédale wah wah. Il y a aussi eu d'autres guitares que les gens ne sont pas habitués à m'entendre jouer : j'ai utilisé une de ces Music Man à diapason court, comme celle de Keith Richards. Une Travis Bean; dont je me sers pour le slide de "Bad Obsession". Quand je me suis mis au slide, je suis allé voir un show de Joe Perry Project. Il avait une Travis Bean et le son tuait. Alors, quand j'en ai vu une à vendre dans un journal, je l'ai achetée. Elle a un splendide corps en acajou. J'ai utilisé une vingtaine de guitares sur Use Your Illusion : une Strato, un Dobro, une basse six cordes, un banjo, quelques acoustiques. Mais le son qui me rend identifiable, c'est celui de ma Les Paul au travers d'un corps Marshall.


Y aura-t-il un jour un modèle Gibson Slash Signature ?
Il en a été question. Je leur ai donné ma meilleure guitare de scène. Il l'ont gardée six mois, essayant d'obtenir le bon poids, la bonne densité, etc. Dieu bénisse les gars qui ont travaillé là-dessus, car ils sont super, mais ils m'ont envoyé quatre modèles et aucun d'entre eux ne s'approchait de l'original. J'en ai eu un peu marre de Gibson. Pendant les six années où j'ai été chez eux, je n'ai pu obtenir que trois Gold Top utilisables sur scène. Et j'ai dépensé des centaines de milliers de dollars dans de vielles Gibson. Apparemment, je n'obtiens pas un son satisfaisant avec les nouvelles.


Recherches-tu d'autres guitares ?
Je voulais une Strato noire avec vibrato et humbuckers, je m'en suis donc fait faire deux par Performance Guitars à Hollywood. J'en utilise une avec un talk-box pendant le show.


| L'enregistrement de Use Your Illusion |

Quel est ton set up pour enregistrer ?
Pour les pistes de base, le joue avec le groupe, en utilisant un casque, on est tous dans la même pièce. L'objectif principal est d'enregistrer la basse et la batterie. C'est super comme vibrations et j'aimerais bien enregistrer mes prises définitives de cette manière, mais je ne peux pas. J'ai besoin d'être dans mon propre studio, loin de l'endroit où les bases ont été faites, en cabine. Si possible, je ne laisse entrer aucun membre du groupe. Sur "Shotgun Blues", Axl et quelques copains ont débarqué, et j'ai fait le solo en une prise. Des fois on veut jammer en face de quelqu'un. Habituellement, il n'y a personne dans le studio, exception faite pour Mike (Clink, producteur) et Jim Mitchell, l'ingénieur du son. Je suis dans mon élément, j'adore ça.


Que se passe-t-il après les pistes de base ?
Je refais toutes mes parties. Il y a un tas de guitares sur l'album. Izzy n'avait qu'une seule guitare pendant tout le disque ; elle sort à gauche. Il a pratiquement tout enregistré pendant les pistes de base. J'ai fais tous les overdubs et les harmonies, plus ma partie rythmique. Dans certaines chansons, surtout celles que j'ai écrites, j'ai fortifié un peu les pistes d'Izzy, car il avait ce son particulier qui n'était pas nécessairement assez...


Assez lourd ?
Ouais, c'est tout à fait ça. Parfois, il n'était plus équilibré. J'ai fait tout ça, plus les acoustiques et les autres instruments en cinq semaines. Pour vint-sept titres, c'est assez rapide.


As-tu fait toutes les rythmiques d'abord, puis les solos, où as-tu terminé chaque chanson avant de passer à la suivante ?
II y avait tellement de chose à faire que j'ai fait un peu les deux. Mais j'ai fini par attaquer une chanson et la terminer. S'il y avait quatre parties différentes sur la chanson, je les faisais. Sinon, si on fait toutes les rythmiques, on finit par les faire toutes pareilles. Il faut faire une chanson à la fois, ainsi, quand on passe à une autre, c'est une entité complètement différente.


Comment t'installes-tu pour les overdubs ?
Quand j'ai fait mes guitares, je me tenais en face des moniteurs principaux avec Mike et l'ingénieur. Essayant d'exploser le plus fort possible.


En jouant au travers des moniteurs, comment obtiens-tu ce feedback qui est ton image de marque ?
C'est un problème majeur, avec Iequel je me suis bagarré un bon bout de temps. D'habitude, on va dans le studio et on se tient en face de son Marshall. Dans le casque on peut à peine entendre le playback, je ne sais pas comment les gars se débrouillent. Néanmoins, mes techniciens se sont ramenés avec un truc. J'ai parié que ça ne marcherait pas. Ils se sont arrangés pour que je passe par les moniteurs et un Mesa Boogie. Le moniteur était tellement fort que, même en face du Boogie, je pouvais entendre le groupe et être en cabine. J'ai obtenu beaucoup de feedback de cette manière.


Tu as dû te mettre à certains endroits bien précis ?
J'avais trouvé une super place et j'avais collé un bout de bande en guise de repère à cet endroit. Puis, des filles sont arrivées, et elles ont traîné dans le studio. Le lendemain, quand je suis revenu, j'ai trouvé sur le sol ce qui restait de la bande. Elles avaient dû danser avec. J'étais complètement déboussolé. "Où est ma place ?".Peut-être quelqu'un était-il venu faire du rangement. J'ai gueulé : "Bordel, ne touchez à rien, laissez les choses où elles sont". J'aime les choses qui sont un désastre complet. On a collé les étiquettes de chaque bière qu'on a bue sur la vitre de la cabine. On a presque tout recouvert. Un jour, on est entré dans le studio, le manager avait tout nettoyé. Tout le lieu était recouvert de photos, les pornos avaient été enlevées.


Pour les parties de dobro et de slide, tu as joué en open-tuning ?
Le dobro sur "You Ain't The First" est accordé standard. J'ai utilisé ce truc emprunté à Keith Richards sur "Bad Obsession". On enlève le Mi grave et on se sert de cinq cordes. Je joue comme ça sur scène aussi, en open-tuning de Sol. C'est tout ce que j'utilise comme accordage.


Et le banjo sur "Breakdown" ?
C'est un banjo six cordes, accordé comme une guitare et joué au médiator. Je ne connais rien au vrai banjo.


Ton solo de guitare classique sur "Double Talkin' Jive" est poignant...
Merci. J'ai aimé le faire. Cette Ramirez est une de mes plus belles trouvailles. Chère, mais magnifique. C'est vraiment satisfaisant d'entendre de l'émotion dans ce solo. II a été très vite fait. A vrai dire, je n'ai pas passé beaucoup de temps sur quoi que ce soit. Une ou deux prises en moyenne. Quand ça commençait à baisser, Clink me le disait, et je revenais en arrière pour, reprendre dans le tas. On n'a jamais passé de jours entiers sur des solos de guitare. En un jour, on faisait la chanson en entier. Bien sûr, pour les chansons plus longues, il fallait parfois deux jours pour mettre toute cette merde en place. Mais j'aime croire que c'est plus rock n' roll que ce que font la plupart des groupes aujourd'hui.


Quelles guitares acoustiques joues-tu sur l'album ?
J'ai plusieurs Guild, une super douze cordes et une paire de dreadnoughts. J'ai utilisé une Gibson J-100 aussi.


Tu te sers du même médiator pour l'électrique et l'acoustique ?
Ouais. Je suis complètement primaire pour ça. Je me sers des médiators les plus durs que je trouve pour tout. Je ne crois pas au fait de changer de médiator comme d'autres changent de guitare. Ça vaudrait peut-être le coup pour l'acoustique en rythmique, un médiator souple est plus facile d'emploi. Les minés sont des Dunlop Tortex violets, très rigides. Je dois travailler davantage pour certaines finesses. Si je veux jouer doucement, je dois vraiment faire attention à la pression appliquée aux cordes pour obtenir le son désiré. Avec un, médiator souple, on peut toujours y aller. Mais je ne veux pas m'emmerder à changer, et je ne veux as m'emmerder non plus avec le tirant des cordes. Je mets des Ernie Ball 010, et voilà. Côté équipement, je suis très simple. Je n'aime pas trop galérer.


| Le son sur scène |

II y a carrément un changement de timbre quand tu passes de la Les Paul à la B.C. Rich ?
Ouais. La Rich a un vibrato. J'aime le look de cette guitare, ça m'en rappelle une autre que j'ai eue il y a longtemps, et qui tuait. Celle que j'ai a un son super mais, à cause du vibrato elle n'a pas le sustain de mes Les PauI. Quand je l'ai eue, elle avait un Kahler et sonnait merdique. J'ai viré le Kahler et j'ai mis un Floyd, ce qui a pas mal arrangé les choses. J'adore me servir de la tige, pour les ambiances et le vibrato, choses que je peux presque faire avec mes doigts. Je ne fais plus de lâchers de bombes, presque plus en tout cas. Ni ces harmoniques haut perchées et toute cette branlette.


Tu utilises plusieurs wha wha ?
Ce sont des customs. Il y a des choses que je n'aime pas chez elles, mais elles ont un son totalement original. J'en utilise une sur "Civil War". Elle ne sonne pas comme la Dunlop Cry Baby, ni comme ces putains de wha 90 enguirlandées. Elle est vraiment dense. J'en ai quatre sur scène. Je suis plus Cry Baby côté son ; je m'en suis servi sur le premier album. Même sur celui-ci, j'ai utilisé une Cry Baby sur quelques titres.


Te sers-tu d'effets ?
J'ai ma talk-box. Pour les solos, j'ai une pédale Boss EQ, car j'ai besoin du gain que cela donne. On a une grosse installation. C'est très compliqué pour moi, je ne sais même pas comment ça s'allume ! Mais il y a deux têtes Marshall, une pour le son saturé, une pour le son clair.


Comment passes-tu d'un ampli à l'autre ?
En concert, c'est Adam (Day, technicien de Slash) qui s'en occupe. En répétition, je le fais au pied au début, puis Adam prend le relais. C'est dur car je n'aime pas rester face à mes amplis. Je vais toujours sur le côté récupérer un peu du son d'ambiance car le son de mes amplis est complètement "dry", sans delay. J'aime entendre tout le groupe. Je ne supporte pas la guitare toute seule.


| Le son Guns N' Roses |

Avec Izzy et vous jouant les rythmiques, il y avait un tas de guitares dans chaque chanson, pourtant sans aucune confusion sonore...
On ne travaillait pas nos parties. Si c'était une chanson d'Izzy, je devais faire tourner un peu le riff, peut-être ajouter quelque chose. Mais il jouait sa partie comme il l'avait écrite, très souple, très Stones. Quand c'était mon matériel, j'écrivais des riffs un peu plus compliqués, c'est mon style. Alors, il ne faisait que superposer son style au mien. En général, toutes les cinq notes, il y avait un accord de ce côté (montrant la gauche). On ne travaillait pas sciemment nos parties, pas de la façon dont Glen Tipton et K.K Downing le font probablement. Je fais la plupart des harmonies en studio. Sur scène j'essaye de les restituer en mettant mes doigts dans des positions infernales. Je n'ai jamais plongé dans ce que vous appelez l'harmonie. En général, je mets les mêmes notes sur des octaves différents. Sur "Knockin' On Heaven's Door" et "Live And Let Die", il n'y a que deux guitares : la mélodie grave et l'aiguë.


La section rythmique est très soudée sur cet album. Duff, votre bassiste, et Matt Sorum, le batteur, vous vont comme un gant...
Oui. C'était un facteur important dans le choix de Matt. On diffère dans la manière de jouer, disons, de ACDC où les guitares jouent ensemble et la basse est linéaire tout au long du morceau. Izzy jouait très simple ; Duff et moi, on joue tout ce qui est compliqué, ce qui devient une grosse partie. Duff prend n'importe quel riff que nous jouons et le fait avec le batteur. Et tout doit être synchro. Donc, si Duff joue avec quelqu'un qui n'est pas dans le coup de ce qui se passe, il le sait immédiatement.


Il y a comme un côté "impromptu" dans tes solos...
Je ne crois pas que tout doive être bien léché. Cet album est presque trop clean pour certains titres. Ce n'est la faute de personne, juste notre manière de jouer. Alors que dans certaines autres chansons, le son est vraiment impétueux et décontracté. Duff, Matt et moi sommes si soudés que nous constituons le gros son. Izzy, lui, demeurait décontracté; il avait un super style rythmique.


| A propos d'amplis... |

Est-ce que tu chasses les amplis comme les guitares ?
Non, je n'ai jamais plongé là-dedans. Côté sonorité j'ai beaucoup appris en faisant Appetite For Destruction. Mes guitares et amplis sonnaient super en public, mais ça ne collait pas en studio. J'avais quelques vieux baffles Marshall avec je ne sais quels HP, mais il me manquait une très bonne tête. SIR (Studio Instrument Rentals) avait apporté une centaine de Marshall pourris, mais je n'en avais trouvé aucun qui sonne bien. Ils ont même essayé de me brancher sur les amplis Soldano. Finalement, SIR a dégotté un Marshall qui était réellement super et je m'en suis servi pour tout l'album. J'ai essayé de le voler : après avoir terminé l'album, j'ai dit à un des roadies : "Pour SIR, on l'a perdu ou il a été volé". Mais, à la répétition suivante, la tête avait disparu ; ils l'avaient récupérée. Depuis, les relations entre SIR et moi sont assez tendues.


Et pour "Illusion" ?
C'était pareil. J'ai fait tous les loueurs pour trouver une bonne tête. Finalement, SIR s'est pointé avec un super marshall. Cette fois ci, on l'a acheté. J'ai donc eu un ampli de studio, et voilà.


Vous ne l'emmenez pas sur la route ?
Non. Pour le live, je joue sur des amplis Jubilee Anniversary. Ils sonnent très bien, mais Marshall ne les fabrique plus. Dans l'accident de Saint Louis, tous mes baffles ont été détruits. Heureusement, il nous restait un Jubilee dans l'entrepôt ; on l'a donc sorti en quatrième vitesse. J'ai quatre amplis sur scène, mais je ne joue que sur deux. L'un a de nouveaux baffles mais ils ne sonnent pas pareil. Donc, pour l'instant, tout mon son live vacille sur un putain d'ampli. S'il lâche, je suis dans le pétrin.


| La vie sous les projecteurs |

C'est sidérant de te voir sauter de ces praticables pendant le concert. On a l'impression que tu vas t'écraser et t'enflammer d'autant que le groupe a la réputation de jouer complètement déglingué.
On est sorti de ça. Avant le show, je prends quelques cocktails pour me décontracter. Je ne me risque à rien qui soit chimique. Ça ne conduit pas à bien jouer. Avant, je jouais avec des santiags, maintenant je joue en Adidas. En tournée, on a un chiropracteur : juste avant le show, il me tire dans tous les sens et m'assouplit un peu. Et on a une masseuse. J'ai souvent des crampes à la main gauche, alors elle arrive et me la détend. II y a eu des shows où, entre les chansons je disais : "Axl, je ne peux plus jouer". Mes doigts sont comme ça (il serre le poing). Maintenant, dans les hôtels, que ça me plaise ou non, au petit déjeuner, je mange des cornflakes et des bananes pour le potassium. Axl a toujours été branché santé. Moi, c'est tout le contraire, je faisais tout ce qui était humainement possible pour me détruire. Maintenant qu'on est au top, soudainement, je suis vraiment conscient, autant que je puisse l'être, de mon état physique.


Est-ce par respect pour vos fans ou simplement pour éviter de te briser le cou ?
C'est plutôt parce que je ne veux pas me consumer ou avoir un problème physique au milieu d'un set. Ça a été un effort conscient de la part des gens qui travaillent avec nous de dire : "Essaie-ça". Pendant longtemps, mon attitude a été de virer tout ça. Aujourd'hui, j'essaie d'être plus ouvert. J'ai commencé les vitamines-quatre avec un Coca (grimace). Je crois que je ne grandirai jamais complètement. Après un show monstrueux, on se sent super bien ; c'est la plus belle sensation du monde donc on fait ce qu'on peut pour éprouver ça. Eh oui, ça aide de voir 20000 personnes apprécier votre spectacle.


La ruée doit être incroyable...
Ouais, c'est de la folie. Mais les foules sont variables. Des fois, tu te remues le cul pendant deux chansons, s'il n'y a pas de réponse, tu ne peux pas faire semblant. Il y a une relation totale entre notre public et nous. S'il ne se passe rien. dans la foule, si le bâtiment est conçu d'une façon à ne pas obtenir de réaction, ça affecte la performance. Alors, ils en ont vite marre, ils pensent avoir vu un show merdique et qu'on est des connards. Et ça fait plus mal venant d'un fan que d'un critique. On ne peut pas leur dire : "On est désolés, mais l'endroit est pourri", car personne ne veut en entendre parler. Et une des raisons qui font qu'on est ce qu'on est devenus est qu'on ne triche pas. Des tas de gens ignorent comment ça marche. Notre show est complètement spontané. II n'y a pas de fausse sortie pour des rappels et on ne joue jamais la même chanson au même endroit chaque soir de la. tournée. Chaque soir, c'est un coup de dés (rires). Quand c'est magique, c'est grand. Si on merde - qu'on est là pendant dix minutes à se demander ce qu'on va. jouer - le public te regarde : "Qu'est-ce que vous foutez ?". II y a là une véritable prise de risque, ce qui fait que nous sommes si controversés.


N'es-tu jamais un peu effrayé de te trouver face à une marée humaine ?
On a arrêté le show à Donington, un hippodrome anglais, quand les choses ont commencé à nous échapper. Il y avait des gens aussi loin qu'on pouvait voir ; il pleuvait et les gens pouvaient tomber et s'asphyxier dans la boue. Ce n'est qu'après le show qu'on a su que plusieurs personnes étaient mortes. Mais la foule ne nous a jamais fait peur jusqu'à Saint-Louis, quand ça a explosé. Je crois que le groupe n'avait jamais réalisé quel pouvoir il pouvait avoir sur une foule.


Quelle est ta version de l'histoire ?
Tout le monde pense que c'est à cause d'une histoire de photo. Mais on peut foutre une telle merde dans la foule avec juste une ou deux personnes ! C'est amusant de se prendre des flashs en pleine poire, mais quand ils ne sont pas supposés amener des appareils, non ? Il y avait une poignée de types de la sécurité qui ne faisant pas du tout attention au public. Ils étaient là à nous regarder. Axl a dit à un de ces types : "Si tu ne t'en occupes pas, c'est moi qui vais le faire !". Mais le gars n'a pas réagi. Je ne sais pas s'il avait entendu, ou si tout simplement, il s'en foutait. Nous, durant toute notre carrière on a sauté dans les foules, c'est notre truc. Donc Axl a plongé à la poursuite du flash. Quand on l'a récupéré sur scène, il s'est taillé. On avait déjà joué une heure et demie d'un set remuant, mais quelqu'un a commencé à lancer des trucs, un autre est monté sur la scène, ce qui a fait bouger quelques gars de la sécurité. A partir de là, la foule s'est jetée sur les autorités et a détruit les amplis, la putain de totale, quoi...


Qu'est il arrivé ensuite ?
On a pensé être les seuls capables de contrôler ça. On a donc commencé a revenir sur scène. Mais tout le matériel et mes baffles étaient déjà ruinés. II y en avait qui essayaient d'arracher les grilles métalliques des Boogie pour atteindre les HP. Un type s'est barré avec un tas de guitares, il s'est fait prendre. Notre équipe et notre propre sécurité défendaient le matériel. Certains de nos gars ont été suturés. Backstage, il y avait des gens en sang sur des brancards, et des flic qui essayaient de s'en sortir sur des brancards aussi. C'était vraiment intense.


Comment vous en êtes-vous sorti ?
Ils nous ont sortis dans un camion, tous blottis les uns contre les autres. On voyait les flics, un par un, aller dans la direction opposée. Ils ont essayé de nous blâmer pour ça, et, dans une certaine mesure, je dirais que c'est notre faute, mais il avait beaucoup d'autres facteurs. On est allé à Chicago pour découvrir que faute de matériel le show était annulé.


Durant le dernier show, Axl a demandé à quelqu'un d'arrêter de lancer des choses. Crains-tu parfois pour tes mains ?
J'y suis moins sensible qu'Axl. Il en fait une affaire personnelle, moi je laisse couler. Pour une musique aussi intense et hautement énergétique que la notre, comme Metallica ou ACDC, les rapports avec notre public sont vraiment bons. C'est une sensation magique d'être à l'unisson avec tous ces gens, chacun prenant du plaisir. C'est comme une "party" géante où tout le monde danserait sur le même groove.


Es-tu intéressé par des projets extérieurs au groupe ?
Je dois rester actif tout le temps. Il y a eu une époque, Axl faisait les vocaux, où je me suis investi avec plusieurs personnes. Le premier disque c'était avec Iggy Pop, qui est l'un des types les plus gentils qui soient. Il faisait "Brick By Brick", et il avait quelques titres sur lesquels il pensait que Duff et moi pourrions vouloir jouer. Un soirn on est venus, on a écouté ses maquettes et on a relevé les chansons. Puis on est allé en studio et on a mis en boîte quatre morceaux dans la journée. J'en ai cosigné une. C'était super.


Tu as également joué avec Lenny Kravitz...
J'ai craqué sur son premier album. On s'est rencontrés à une remise de prix quelconque et on est devenus copains. J'ai fait un solo sur "Fields Of Joy" et joué le riff sur "Always On The Run". C'était également un grand moment.


Tu aimes bien être invité sur les projets d'autres musiciens ?
J'ai fait une séance que je regrette complètement. Don Was, le producteur d'Iggy, me dit : "Ca t'intéresserait de jouer sur le projet de Dylan ?". Je ne m'étais plus branché sur Dylan depuis des années, à l'époque où il faisait des trucs bien. Toutefois, je lui ai répondu : "Pourquoi pas ?". J'arrive au studio et je rencontre Bob. Il était aussi indifférent que possile, pas moyen de travailler avec lui. Là dessus, je fais un de mes meilleurs solos, en une seule prise, et ça tuait !. Il était encore là sur les cassettes de prétirage, mais il a été enlevé au tirage définitif. Il pensait que ça sonnait trop Guns N' Roses. Je me suis dit : "Mais qu'est-ce que tu as été foutre là-bas ?".


C'est bizarre...
Je jouais l'acoustique sous le lead. Il voulait que je joue comme Django Reinhardt. Mais les accords constituaient une progression I-IV-V, et je n'arrivais pas à comprendre où il voulait en venir. J'ai fini par faire une rythmique, et lui de dire : "C'est ça" ; et je lui ai répondu : "C'est pas du Django Reinhardt". Dans le morceau, quand on arrive au solo de guitare, tout ce qu'on entend, c'est moi en train de jouer ces accords à la con. Ca m'a servi de leçon.


D'autres expériences ?
Michael Jackson. Quand on m'a demandé de travailler avec lui, j'ai pensé que ce serait bien, un peu comme pour Van Halen, un endroit pour briller. J'ai demandé à avoir la bande. Ca semblait poser problème, mais j'ai fini par me débrouiller et en avoir une sur laquelle il n'y avait pas de vocaux, rien que du synthé et des boîtes à rythme. Trois ou quatre mois ont passé avant qu'ils m'appellent. J'étais complètement hors de mon élément, mais j'ai fait une chanson à ma manière. Pas de solo, la chanson durait deux minutes. J'ai utlilsé la talk-box sur une autre. J'ai joué le plan une fois, et ils l'ont samplé. Je voulais vraiment faire un solo sur celle-ci. Ils voulaient me faire jouer un autre titre. Six mois passent et ils m'appellent : "Tu peux venir et finir ?". Je réponds : "Ouais, quand ?" - "On essaye de trouver un moment". Quelques mois plus tard, c'est moi qui rappelle : "Vous voulez vraiment que je finisse ce truc ? Michael n'est peut-être plus trop chaud pour ça". Ils m'ont dit : "Non, tu vas le faire" ; une éternité se passe avant qu'ils me rappellent. Là, j'ai dit : "Non, on fait notre disque et je pars en tournée. C'est trop tard". Je n'ai jamais rencontré Michael pendant tout le truc.


Vers quoi vas-tu te tourner maintenant ?
Je vis toujours au jour le jour. Je ne suis pas du genre à me fixer des buts. Le principal est de continuer à tourner, c'est toute ma vie. Quand l'album aura fait son chemin, les Guns retourneront peut-être en studio pour en faire un autre. Mais si on devait s'arrêter plus longtemps, j'aimerais sortir, non pas un album solo, mais in truc ponctuel avec un autre artiste, et que je pourrais contrôler. Ca pourrait être un concept heavy-metal-funk-rock, une musique avec des vocaux qui tuent et des riffs monstrueux. Presque comme "Jungle", mais plus dense et plus lourd. Il y a longtemps, Aerosmith en était très proche ; Beck a quelques moments magiques aussi. Mais je ne veux pas que ce soit un album de guitare où je serais toujours en solo, c'est trop chiant.


Es-tu satisfait de ton jeu ?
Je suis surtout content d'être encore là... Il y a eu tellement de place pour l'échec, vu le côté extrémiste de mon mode de vie. Le soir où je suis rentré pour écouter mes CD a été l'un des plus romantiques dont je me souvienne. J'ai tout écouté à la suite. Après tout ce qu'on a traversé, changements, stress, drogues, on s'est arrangés pour sortie un disque, et, quoi qu'il arrive, on est vraiment dans notre musique et on n'est pas un putain de groupe pop à la con...


Interview publiée en 1992 dans le magazine "Guitare & Claviers".