Qui : Slash | Quand : 1993 | Quoi : la dernière tournée, The Spagetti Incident?...


Je suppose que tu as passé quelques temps à te détendre, après les deux années de la tournée Use Your Illusion ?
Je suis totalement incapable de me détendre, ce n'est pas sain... (rire).


Tu as souvent dit que la précédente tournée avait sérieusement secoué le groupe. La vie sur la route ne vous réussit pas ?
Tu sais, c'est encore bien plus compliqué que cela. Il me serait difficile de le raconter en détail, car il faut se mettre dans la peau de l'un d'entre nous pour pouvoir commencer à comprendre Tout style de vie normal devient impossible, et nous nous sentions très vulnérables. Quand cette immense popularité nous est tombée du ciel, c'est devenu encore plus dur. A la fin de la tournée le groupe avait atteint sa masse critique et était au bord de l'implosion. Conséquences directes, nous avons perdu Steven (Adler) et Izzy (Stradlin). Reformer le groupe ensuite pour l'enregistrement de Use Your Illusion fut beaucoup plus difficile encore que ne le pensent nos fans.


Et cette fois qu'est ce qui a changé ?
Nous avions plus de responsabilités en tant que têtes d'affiche. Nous faisions attention à rester en forme, parce que nos concerts sont plus longs, mais il est impossible d'éviter cette impression de vide angoissant et d'inertie post-tournée. Je l'ai ressenti cette fois aussi, mais j'ai plus d'expérience et je me suis immergé dans le travail. Cela m'a aidé à passer le cap critique sans trop de difficultés.


Te demandes-tu parfois si ce n'est pas trop, les cuivres, les choeurs, l'entourage ?
Depuis les débuts du groupe nous avons toujours progressé, un pas après l'autre. Il ne s'agit pas de plan de carrière préconçu, la seule nécessité est d'avancer et nous en sommes arrivés au point où tous nous disons "puisque nous pouvons faire tout ce que nous voulons, essayons ceci ou cela, est-ce que l'on peut s'en tirer ?". Ou alors "vaut-il mieux ne pas faire ceci ou cela, ou bien devrions-nous oublier les critiques ?". Et nous avons fini par jouer dans les stades parce que c'était le niveau auquel nous étions arrivés, c'était l'étape suivante. Mais je peux te dire que pour la prochaine tournée, je veux revenir à des salles couvertes. Je me sens comme un nain dans ces grandes arènes à ciel ouvert.


Guns N' Roses est-il un groupe que tu irais voir, si tu n'en faisais pas partie ?
C'est difficile, parce que justement j'en fais partie et je me sens responsable. Mais oui, c'est le genre de groupe que j'irais écouter, le genre de son rock que je rechercherais.


Je suppose que The Spaghetti Incident? vous a permis de redevenir des fans et de montrer au public d'où venait votre inspiration ?
Mmm... ce n'était pas intentionnel, mais si cela donne une vision plus claire de nos racines, c'est cool. Nous n'avons pas voulu faire passer un message, c'était juste un album de reprises... Nous avons commencé pendant les séances des deux albums Use Your Illusion, juste pour nous relaxer, oublier la pression, les directives politiques, tout ce qui n'a réellement rien à voir avec la musique. Nous allumions les amplis pour nous chauffer les doigts, jammer, et nous faire plaisir avec quelques-unes de ces chansons. Nous en avons enregistré trois ou quatre que nous connaissions bien, sans aucune intention d'en faire un disque, ni même une cassette pirate. Mais quand nous nous sommes assis pour réécouter les bandes, chacun dans le groupe a vraiment aimé ce qu'il entendait, et on a décidé d'en faire un EP. Nous sommes alors entrés en studio, et le EP s'est transformé en album entier. Les gens l'appellent souvent "le disque punk", ce qui n'est pas vraiment le cas, même si certains groupes originaux étaient punk. Ce sont juste les versions Gn'R des chansons que nous aimons. Punk n'est qu'un terme désignant une attitude, pas un style de musique. C'est une forme de persévérance, pour finir par faire les choses comme' on le désire, à sa propre façon. La musique que tu joues n'a aucune importance, du moment qu'elle va contre les conventions. Mozart était un punk, il en avait l'attitude !


Est-ce ainsi que tu vois Guns N' Roses ?
Ce que je trouve comique, c'est que l'on peut nous comprendre mieux à travers ce disque qu'à travers les chansons que nous avons composées nous-mêmes. C'est vrai, les paroles de "Spaghetti Incident?" sont proches de nos convictions personnelles. Tu comprends plus clairement ce qu'est Guns N' Roses qu'en essayant de déchiffrer une chanson comme "Estranged ". Personne n'y a pensé jusqu'ici, mais "Ain't It Fun" est une excellente description du groupe.


Duff McKagan a vraiment fait surface pour cet album, il y chante trois chansons...
Ce sont les reprises qu'il voulait faire. Nous avions décidé de respecter totalement le choix de chacun, j'ai choisi trois ou quatre chansons, Axl en a choisi trois, et Duff aussi, ce sont des morceaux qu'il aimait. En même temps, Duff enregistrait son album solo, il chantait beaucoup, et en tournée nous le laissions interpréter "Attitude" et "It's So Easy".


Quelles sont les chansons que tu as choisies personnellement ?
Il y en a une que j'ai du chanter moi-même pour qu'elle soit sur l'album, un medley de "Buick Makane" de T-Rex et de "Big Dumb Sex" de Soundgarden. Axl ne se sentait pas à l'aise pour cette chanson et il m'a demandé de la chanter. Je l'ai fait, mais je déteste chanter et cette chanson ne sera pas souvent sur mes lèvres à l'avenir. Le morceau de Fear, "I Dont Care About You", a été mon indicatif pendant longtemps. C'était le seul disque que j'avais aux débuts du groupe, la seule cassette que j'emmenais sur la route. "Hair Of The Dog", de Nazareth, est un titre qu'Axl et moi jouions souvent quand nous faisions partie du groupe Hollywood Rose, avant Gn'R, quant à "Since I Don't Have You" des Skyliners, c'est du "doo-wop fifties" qu'Axl chantait souvent il y a longtemps et je tenais à ce qu'il l'enregistre.


Certains de ces morceaux sont plus vieux que toi. Comment les as-tu entendus ?
Je suis plus ou moins né dans le show-biz. J'ai été exposé à la musique très très tôt et c'était en grande partie du rock n'roll. Je vivais dans un environnement rock, au-delà de ce que mes parents écoutaient. J'étais très jeune quand j'ai commencé à décider de ce que j'aimais ou non.


Beaucoup de ces chansons ont été enregistrées par des groupes sans argent et qui souvent ne savaient pas jouer...
La plupart d'entre eux n'ont toujours pas d'argent. Pour dire la vérité, s'ils ne sont pas fauchés, c'est qu'ils sont morts.


Guns N' Roses a vécu le succès et vous avez appris à jouer serré, avez-vous pensé que cela pourrait retirer quelque chose à ces chansons ?
Nous n'avons pas essayé de recréer le son des versions originales, parce que nous produisons notre vibration personnelle en studio. Nous nous sommes contentés de prendre dans chaque chanson ce que nous aimions, parfois le simple fait de les aimer, et de prendre du plaisir à les jouer, c'est la clé de voûte, l'esprit de "Spaghetti Incident?".


Guns N' Roses est quasiment devenu aujourd'hui une grande entreprise, comment communiquez-vous ? Tu appelles toujours Axl au téléphone ?
Oui. Nous ne vivons plus dans la même pièce comme au début, mais nous restons en contact constant pour toutes les décisions importantes. J'ai un studio d'enregistrement chez moi où Gilby (Clarke) et Matt (Sorum) viennent jouer. Nous avons déjà neuf chansons en vue pour le prochain album de Gn'R.


Vraiment ? Comment sonnent-elles ?
Je ne peux pas te les décrire verbalement, mais c'est très cool... et très heavy. J'ai également commencé à travailler sur mon album solo et Gilby fait le sien. Ils sortiront probablement avant le prochain Gn'R.


Peux-tu nous parler de ton album solo ?
...


Comment le groupe résiste-t-il à la pression ? Il y a eu la thérapie d'Axl au moment de ta tournée Use Your Illusion, les émeutes du concert de St-Louis. Quel effet cela a t'il eu sur vos relations ?
Tu parles de ma famille. Plutôt que de se plaindre, il faut avancer, être pratique et raisonnable en tout. J'essaye en permanence de communiquer avec les autres Gunners, aussi bien au niveau personnel qu'émotionnellement. Je pense que tu me poses cette question à cause des rumeurs de split qui ont couru, mais il n'y a rien de vrai la-dedans. Nous travaillons toujours ensemble.


Tu as jammé avec Billy Joel récemment, pourquoi ?
J'aime jammer, et Billy est un mec cool. Nous nous sommes soûlés ensemble, c'est tout ce qu'il faut pour me décider à sortir ma guitare. Il y a des gens avec qui je n'arrive pas à m'imaginer sur scène, mais ils ne sont pas très nombreux. Si j'aime une musique je peux la jouer. J'ai quelques difficultés avec le jazz fusion, eh eh eh ! Mais je n'écoute jamais de jazz fusion.


T'arrive-t-il de penser que jouer avec Billy Joel peut affecter ta crédibilité auprès du public ?
Non ! C'est de la rétention anale. Si je devais m'asseoir pour essayer de deviner ce que vont penser les autres, je ne ferais jamais rien et nous serions un groupe très différent. La pire chose au monde est de juger quelqu'un parce qu'il joue avec untel plutôt qu'avec un autre. C'est stupide et prétentieux. Le public devrait plutôt remarquer que j'ai dirigé ma vie de façon à être encore capable de jouer.


Comme toujours avec Guns N' Roses, il y a une controverse, portant cette fois sur la chanson "Look At Your Game Girl", dont l'original est dû à Charles Manson.
Cela ne m'intéresse pas. En Europe, personne ne s'en soucie, la controverse n'existe qu'à Los Angeles et dans le sud profond des Etats-Unis, où les prêcheurs hurlent chaque fois que nous respirons un peu trop fort !


Que signifie l'inscription cryptique JYE/ZQS, au bas de la couverture de "Spaghetti Incident?" ?
Il y a une signification, mais je l'ai oubliée.


Allez, tu as travaillé sur la couverture de l'album...
Cela n'a rien à voir avec le titre, mais j'ai oublié. Il y a longtemps maintenant. J'ai travaillé depuis sur mon album solo et sur le prochain album de Guns N' Roses. Je n'ai même pas réécouté The Spaghetti Incident? depuis que nous l'avons fini.


Tu devrais. C'est un bon album...
(Rires) Bye bye...


Interview publiée en 1993 dans le magazine "Guitarist".