Qui : Slash et Eric Dover | Quand : 1995 | Quoi : la musique, les dinosaures, les ovnis...
Désolé, mais il paraît difficile d'y couper : où en sont les Guns ? Slash : Nous sommes actuellement en stand-by, mais nous n'avons pas splitté ! Eric et moi rentrons incessamment aux USA, nous y resterons une semaine avant de nous envoler vers l'Australie, et on m'a confirme hier ces huit jours seraient mis à profit pour remettre Guns N' Roses sur pied. De toute façon, il était exclu que je laisse Snakepit en plan après la parution de l'album, et je me suis arrangé avec Axl Rose : je me rends disponible lorsque je le peux pour les répétitions, Snakepit tourne d'avril à août 1995, et nous rejoignons tous ensuite combos respectifs pour honoré nos engagements. On a monté Snakepit pour le fun, pas parce qu'on était au chômage ! Les Guns sont trop voyants : à chaque fois qu'on bouge le petit doigt, le monde entier retient sa respiration ! Avec Snakepit, on peut se permettre d'être plus spontanés et continuer ainsi à vivre nos rêves d'adolescents. Regrettes-tu que les Guns soient devenus une énorme machine ? Slash : Non, parce que j'y ai investi tellement d'énergie que cela me paraît amplement mérité. Ce que je regrette en revanche, ce sont les conséquences directes : on ne peut pas se balader tranquillement sans qu'on nous saute dessus, et il nous est impossible de nous comporter comme des gens "normaux". Les seuls instants que j'apprécie véritablement sont ceux que je passe en concert. Justement, quand et comment cette envie de jouer vous a-t-elle pris ? Eric : Ma soeur aînée et ma mère étant dingues de musique, j'ai grandi dans un environnement favorable, la maison était remplie de chansons, et, dès l'âge d'onze ans, je savais que c'était ce que je voulais faire. Le schéma classique : tu vois un poster d'Alice Cooper et tu te dis "Waoh, c'est géant !". Slash : Pour moi qui suis né dans le music-business, c'est venu naturellement. Ma mère réalise des vêtements et mon père des pochettes de disques. L'un comme l'autre a travaillé pour des artistes réputés. J'étais en permanence entouré de musiciens et sans même me poser la question, j'ai été happé dans la tourmente. Je ne caressais d'ailleurs aucunement l'espoir d'être une star, j'écoutais simplement ce que mon coeur me disait, et, à mon avis, je me serais planté si j'avais réellement essayé de faire ce qu'il fallait pour ça. La guitare est-elle le premier, instrument que vous ayez eu en main ? Slash : Non, c'était un piano. Ma mère m'a incité à prendre des leçons, pour des raisons qui m'échappaient alors, et ça ne m'a pas, accroché. Tu me vois en pianiste ? Remarque, pourquoi pas. Je suppose que ma mère souhaitait parfaire mon éducation. Elle a toujours été comme ça, elle m'inscrivait systématiquement dans les meilleures écoles. Sans grand succès ! Eric : Moi, oui. Mes vieux se sont séparés puis réconciliés à plusieurs reprises, et quand j'avais dix ans, ils ont définitivement cassé et un couple d'amis hippies s'est installé chez nous pour partager le loyer avec ma mère. Le mec n'avait pas de boulot, il s'asseyait dans un coin pour fumer la journée, et il m'a appris "Stairway To Heaven". C'est lui qui m'a contaminé. A défaut d'être des musiciens professionnels, qu'auriez-vous fait ? Auriez-vous vendu des voitures ? Slash : Je ne pense pas. Dans ma famille, il n'y a que des artistes. Mon frère, lui, est graphiste et si je n'avais pas flashé sur la musique, j'aurais sans doute suivi son exemple. Lorsque je téléphone, je n'arrête pas de griffonner sur de bouts de papier - certains de ces gribouillages s'étant transformés en logos pour les Guns ou Snakepit ! Et toi ? Eric : J'étais un bateau à la dérive et j'ai touché à tout. J'ai commencé par le dessin et la peinture, sans atteindre un niveau suffisant pour envisager d'y faire carrière. A une époque , j'ai failli abandonner la musique. Faire un LP, c'est assez facile, mais ce n'est pas une fin en soi. J'ai dansé plusieurs fois sur le fil du rasoir : je n'avais plus de taf ni de toit, et je pionçais sur un canapé chez des potes. II faut passer par-là pour trouver la force de continuer. Depuis, je ne me vois plus faire autre chose. Slash : Je suis d'accord J'ai également connu ça - j'ai dormi sur les canapés de toutes les filles prêtes à m'accueillir. Je préférais leur lit, cependant ! A ce propos, hier, date de la célébration de la sortie de l'album, c'était la Saint-Valentin. J'ignore si elle a la même signification aux USA, mais, ici, c'est la fête des amoureux. Quel type d'homme êtes-vous ? Romantique ou macho ? Slash : Je suis très romantique et très sentimental ; c'est pourquoi Renée (Suran Hudson, son épouse) m'a rejoint ici, à Paris. C'est glamour, il y avait des cadeaux... et du sexe !!! Eric : On a tous deux été élevés par des femmes, et elles nous ont enseignées dès notre plus jeune âge à les respecter ! En règle générale, je suis donc sentimental - et fidèle ! Slash : Moi, je l'ai été une fois pendant deux ans. La monogamie, ça n'a jamais été mon truc ! Enfin, c'était valable avant, car aujourd'hui je suis marié. Tu peux avouer, elle ne comprend pas le français ! Slash : Si, figure-toi ! Et, en l'occurrence, ce ne sont pas des bobards. Je suis sérieux parce que j'ai déniché la seule nana sur cette Terre qui puisse focaliser mon attention. Ça n'a pas été facile, mais elle s'est adaptée à mon rythme et à ma profession. Elle n'est pas du business ? Slash : Non, elle n'a aucun rapport avec la musique. Mais elle mène comme moi une vie de bohème. Qu'est-ce qu'elle fait ? Slash : Du shopping. je crois... Comme job, je voulais dire !!! Slash : Ah, je te trouvais aussi bien indiscret ! Elle est mannequin et songe à se lancer dans le cinéma. Tu aimes les armes à feu ? Slash : Non, même si j'en ai chez moi, au cas où. J'adore les regarder, les démonter, éventuellement tirer, mais, comme elles sont dangereuses, ça ne va pas plus loin. Ah oui ? Ne peut-on pas lire "The Revolver Club" sur le T-shirt que tu portes ? Slash : Euh... (baissant la tête pour vérifier) on me l'a filé ! En fait, ce que j'aime, c'est surtout la musique. Et en dehors de ça ? Slash : J'ai beaucoup de jouets, de modèles réduits et de conneries à la maison... J'adore les animaux, et en particulier les serpents - j'en ai trois cents ! On prétend que tu es fasciné par le. dinosaures... Slash : Oui, il y en a partout chez moi ! Et j'ai des tonnes de documents sur le sujet : des revues scientifiques, des traités de paléontologie, des études sur l'évolution des espèces, des bouquins expliquant pourquoi les dinosaures ont disparu ou si leur sang était chaud ou froid... J'ai d'ailleurs développé mes propres théories en faisant la synthèse de ces informations. Ça m'a pris quand j'étais môme. Tu découvres tout ce que le monde peut t'offrir à ce moment-là, et c'est à toi de décider ce qui te branche et ce qui t'indiffère. On peut changer en vieillissant : mes monstres préhistoriques en plastique, il y a longtemps que je les ai bazardés ! Slash : Moi pas, bien que j'approche de la trentaine. Eric : Tu n'es qu'un adolescent attardé ! Slash : Tu peux parler ! Eric : C'est vrai, j'ai quelques hobbies à la con, comme la CB. A côté de ça, je suis très porté sur les extrapolations scientifiques du genre espace-temps. T'intéresses-tu aux ovnis ? Eric : A fond ! Slash : Eric est le seul sur cette planète à avoir réalisé que je suis un extraterrestre ! Qu'est-ce que tu sais de cette histoire de crash d'un vaisseau interstellaire que le gouvernement US aurait tenté de garder pour lui ? Eric : Je vais te raconter une anecdote. L'année dernière, vers février-mars, j'ai suis allé de l'Alabama jusqu'en Californie en caisse, et j'ai fait un crochet par Roswell, c'est-à-dire l'endroit où, en 1945, un fermier aurait découvert les restes d'un aéronef d'origine inconnue ainsi que les corps de ses occupants, suite à quoi l'armée aurait débarqué sur les lieux et bouclé la zone. C'est là que mon moteur a explosé, et j'ai glandé une semaine sur place, le temps que ma voiture soit réparée ! J'ai des tas de livres sur la question, notamment certains traitant de l'hypothèse de la conspiration gouvernementale qui sont très difficiles à dégotter et sur lesquels il est précisé de ne pas les payer par carte de crédit, afin d'éviter que les services secrets ne vous tombent sur le paletot. Que j'y crois ou pas, c'est autre chose, mais ça m'interpelle. Slash : Au rayon crétineries, lorsque je suis chez moi, que je sois en train de dealer au téléphone ou d'écrire un morceau, j'ai toujours des émissions culinaires télévisées en fond sonore. Et tu cuisines ? Slash : Non. Mais je sais tout ce qu'il faut savoir en ce domaine : les techniques, les noms des ustensiles, le moyen de les utiliser... Où est l'intérêt ? Slash : Disons que je n'ai pas la patience de cuisiner - j'ai seulement celle de moisir au pieu des heures durant en matant ces programmes. Je suis même abonné à un canal câblé qui en diffuse 24 heures sur 24 ! Comme je dors mal, je me réveille au milieu de la nuit, je m'allume une clope, et je prends l'émission en cours tandis que Renée roupille. Je suppose qu'avec ces connaissances je me mettrai à cuisiner le jour où je serai trop décrépit pour grimper sur scène. Quand penses-tu que cela se produira ? Slash : Pas avant longtemps, j'espère ! Tu ne regardes jamais de films ? Slash : Si, parfois, mais j'attends qu'ils soient édités en vidéo. Je déteste le cinéma : les gens y sont confinés et je ne peux pas tenir en place. Ça fait un bail que Renée ne me demande plus de l'accompagner au cinoche ! Eric : En plus, on ne peut pas fumer ! As-tu vu les quatre films sur la bande originale desquels figurent les Guns - "The Dead Pool", "Days. Of Thunder", "Terminator 2" et "Interview With A Vampire" ? Slash : A priori,on est censés se taper les rushes avant de donner notre accord afin de s'assurer que ce n'est pas un navet - dès lors qu'il s'agit d'une grosse production et que notre contribution est significative. Car il y en a un paquet sur lesquels on ne fait qu'une furtive apparition. Pour "Days Of Thunder", je n'étais pas au courant. C'est Renée qui me l'a appris, et, effectivement, on entend Guns N' Roses en background à la radio. Ah. j'oubliais... j'ai des quantités phénoménales de films de cul, mais je les visionne rarement - ce qui me plaît, c'est de les collectionner. C'est du porno standard ou interdit à la vente ? Slash : Standard. J'ai du hardcore mais pas de snuff.. Eric : Beurk ! Moi, je préfère les documentaires bizarroïdes. Comme "Faces Of Death" ? Eric : Non, c'est trop violent - ça pervertit l'idée que je me fais de l'existence. Plutôt des reportages sur les péquenots de Virginie qui jouent du banjo dans les bois, par exemple. C'est hilarant. Slash : Eric est un gars étrange. Il voit de l'humour là où il n'y en a manifestement pas ! Eric : J'ai également un LP qui a été composé par un groupe de débiles mentaux. Ne crois pas que je me fous de leur gueule, mais il y a quelque chose de drôle en eux, et c'est touchant de savoir qu'ils ont mis tout leur coeur pour un résultat finalement, pas trop nul. Combien de disques environ possédez-vous ? Slash : Enormément. Peut-être huit cents. Vinyles inclus ? Slash : Non, uniquement des CD. Mes vinyles, ainsi que ceux de mes parents, sont soigneusement rangés à l'écart. Ils occuperaient à eux seuls les murs d'une pièce de belle dimension. Eric : Je pense en avoir à peu près autant que lui, mais j'en ai égaré pas mal au cours de mes multiples déménagements. Que trouve-t-on dans votre discothèque ? Slash : De tout, de Tchaïkovski à Temple Of The Dog - du classique, du blues, du hard, du folk, du rap... plus quelques bandes originales de films et de dessins animés de Watt Disney. Avais-tu les CD de Jellyfish ? Slash : Non, je n'en avais jamais entendu parler avant de rencontrer Eric. Et toi, avais-tu ceux des Guns ? Eric : Oui. Mais je n'en étais pas spécialement fan. Slash : Je suis excessivement prudent en la matière. Tu ne me verras jamais fouiller dans les bacs au petit bonheur la chance. C'était ce que je faisais quand j'étais jeune, et ça m'a coûté un max de tunes : j'étais souvent déçu et je perdais du fric en les revendant à un soldeur. Aujourd'hui, il faut que quelqu'un m'ait fait écouter l'album au préalable pour que j'envisage de me le procurer En outre, pour les raisons que tu imagines, je ne traîne pas dans les boutiques - je m'adresse directement aux maisons de disques ! Interview publiée en 1995 dans le magazine "Guitare Planète". |