Qui : Scott Weiland et Matt Sorum| Quand : 2004 | Quoi : la tournée, la drogue, le succès...


Le groupe vient juste de rentrer d'une tournée en Europe. Comment c'était ?
Scott : Oui, on vient juste de rentrer d'une tournée de cinq semaines et demi. Le disque marche vraiment bien. Toute cette expérience est formidable. C'est quelque chose de tout à fait différent, mais c'est cool. Le rock n' roll est vraiment un langage universel parce qu'il a à faire avec l'énergie, la jeunesse et la tension sexuelle, ainsi que toute cette angoisse existentielle qu'on peut connaître quand on est adolescent.


Cela ne te marque pas que le rock soit l'énergie de la jeunesse, mais que ce soit cinq bonhommes plus âgés que la plupart de leurs fans qui parviennent à libérer cette énergie ? Beaucoup de groupes plus jeunes que vous semblent ne pas comprendre.
Scott : Premièrement, le style de vie que j'ai mené, les choix que j'ai faits… Après un moment, ces choix te mettent dans la situation où tu n'as plus la possibilité de faire de choix, tu es pris au piège avant même d'avoir atteint la maturité. Pendant un temps, tu peux prendre ça comme une bénédiction, c'est quelque chose en rapport avec le complexe de Peter Pan, tu te crois éternel et c'est cool pendant un petit moment, mais rapidement, tout ça se révèle être une véritable malédiction. En ce qui me concerne, j'en suis arrivé au point où je ne voulais plus être Peter Pan, je voulais grandir et devenir un homme. Mais concernant la musique, le fait d'avoir mené ce genre de vie, et d'avoir conservé en mémoire l'énergie que ça nous procurait nous permet d'écrire et de composer des titres chargés de violence et d'énergie sexuelle. Bref, on ne pourrait pas composer de cette façon si on n'avait pas suivi ce chemin pendant si longtemps.


On pourrait penser que votre musique est un peu moins dangereuse aujourd'hui que quand Stone Temple Pilots était au sommet ou quand Guns N' Roses faisait la tournée des stades, mais vous restez ce qu'on entend de plus galvanisant en ce moment.
Scott : Oui. Je peux vraiment dire que ça été super tendu pendant la tournée européenne. On était sur le fil du rasoir, c'était vraiment flippant.


Comment ça ?
Scott : Prends cinq mecs qui ont été de véritables toxicos, bon, on est clean maintenant, mais les gens font toujours l'amalgame. On n'était pas là pour se faire du fric, on plantait juste quelques graines… Tout le monde a dit qu'on jouerait dans des stades. C'est un malentendu. Bref, la prochaine tournée est prévue pour février, mais crois moi cette première tournée, c'était parfois glauque. Les loges puaient, et c'était en fait les mêmes salles, avec les mêmes graffitis sur les mêmes murs que j'avais connus pendant les deux premières tournées de Stone Temple Pilots. C'était effrayant et par moments je me suis dit "Il faut que j'arrête. Je choppe un avion et je rentre à la maison, parce que ce putain de groupe va exploser !" Et tout ça parce que tout peut arriver à tout instant. Le fait qu'on mène nos vies en tant qu'individus et qu'on soit amenés à prendre des décisions personnelles a de véritables répercussions sur notre musique. C'est ça aussi qui donne cette notion de danger à ce groupe, mais ça implique aussi que tout puisse s'effondrer du jour au lendemain ou qu'on en arrive à prendre de mauvaises décisions. Bref, l'équilibre a failli être rompu mais tout est rentré dans l'ordre.


Le reste du groupe ne faisant plus la une des journaux au sujet de leurs vies personnelles, il est facile d'oublier que les autres membres du groupe ont été confrontés à ce que tu es en train de vivre. Mais tu es loin d'être le seul élément explosif dans ce groupe.
Scott : Oui, c'est vrai.


L'annonce de ta séparation définitive de Stone Temple Pilots n'avait pas encore faite avant qu'il soit annoncé par conférence de presse que tu rejoignais Velvet Revolver. Les choses ont été si rapides que ça ?
Scott : Oui, ça s'est vraiment passé comme ça. On a commencé à travailler sur deux titres à ce moment là. La reprise de Pink Floyd a été créée en studio, mais Set Me Free a été composée dans notre salle de répète, et c'est venu tout seul. Ils avaient déjà composé les parties instrumentales avant que je n'arrive, et j'ai composé la mélodie et les paroles. Ca m'a paru très facile, et je vais te dire pourquoi. J'en étais arrivé à un point ou j'étais vraiment au bord du gouffre. J'étais séparé de ma femme, et j'habitais avec ce couple qui étaient supposément sobre et qui étaient censé m'aider dans ma désintox. J'étais complètement défoncé, et ce couple tenait une espèce de service de désintox en consultation externe, sauf que c'était dans leur maison. Il y avait un médecin qui venait faire ses prescriptions, puis il donnait les médicaments au type en question qui les distribuait ensuite au compte-gouttes. En fait, il se mettait la moitié des médocs dans la poche et sa copine était complètement accro à l'héroïne, et elle avait des accès de speed terribles… Bref, j'étais chez eux, ma femme et mes enfants étaient à San Diego, j'avais mon propre appart à Hollywood, mais j'étais tellement parano que je pensais que les flics allaient débarquer à tout moment. C'était pas vraiment joli à voir. Alors j'ai commencé à jouer avec les autres membres de Velvet Revolver. J'étais tellement fatigué d'être jugé à cause de Stone Temple Pilots et d'être le bouc émissaire à tous leurs problèmes. J'étais à la fois le seul qui fasse avancer ce groupe en matière de travail, et je n'ai jamais été reconnu sur ce plan là alors que c'était une vraie charge. En revanche, ils m'ont bien fait porter le poids de culpabilité et de la honte pour ce que j'ai supposément fait et qui a mené à la fin de Stone Temple Pilots. De l'autre côté, la situation était claire, les autres membres de Velvet Revolver jouaient depuis un an, et répétaient 5 jours par semaine. S'il y a quelque chose que j'admire chez Slash, c'est son éthique de travail, et le fait qu'il soit accro aux répétitions !! Ce n'est pas mon cas. J'adore enregistrer et écrire, et je peux passer des heures en studio, mais je ne supporte pas les répétitions.


C'est certainement parce que jouer requiert de la technique et que c'est perfectible alors que tes performances doivent rester spontanées.
Scott : Oui, je comprends qu'ils adorent jouer, Slash adore sa guitare, c'est comme si c'était une autre partie de son corps ! Tu sais, je me suis impliqué avec eux, et alors que j'étais vraiment paumé, ils ne m'ont pas jugé. Honnêtement, ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour m'aider. Et j'étais vraiment mais alors vraiment mal barré. Au début, il y a eu plusieurs réunions où je ne me suis pas pointé, des réunions avec le management. Et on était supposés faire des show cases pour les gens des maisons de disques, ce qui était stupide parce que on ne jouait vraiment que depuis trois jours, et je ne me suis pas pointé au premier et je suis arrivé au second avec trois heures de retard. Normalement, je ne suis pas du tout comme ça, mais j'étais dans un sale état d'esprit. Et ces mecs savent comment ça se passe dans ta tête à ces moments là, et ils ne m'ont pas jugé. Finalement presque un mois après j'ai été arrêté et j'ai décidé que c'était la fin de tout ça. Le lendemain j'ai écrit Fall To Pieces avec Slash, et pour moi c'est le moment le plus poignant du disque. Ca a été un moment décisif. J'ai su alors que nous étions un groupe, parce qu'ils ne m'avaient jamais jugé, et que pendant tout ce temps ils étaient restés à mes côtés. Quand ma femme et ma famille étaient loin, ces mecs ont été les seuls à me soutenir et à m'épauler. C'est alors que tout a vraiment commencé. Et c'est devenu cette expérience géniale.


En même temps, vous avez aussi connu des moments difficiles comme en Europe...
Scott : Oui, mais on a surmonté tout ça.


Je n'ai pas le souvenir d'avoir vu un clip aussi touchant que "Fall To Pieces". C'est beaucoup plus facile de juger les gens que d'essayer de comprendre ce qu'ils traversent et d'essayer de les aider. Je pense que cette vidéo montre ça sous plusieurs aspects. J'ai toujours la chair de boule quand je la vois.
Scott : Merci beaucoup. Je suis content que les gens aiment la chanson, parce que j'étais terrorisé quand on a commencé à filmer. Je pensais que ça pourrait soit toucher les gens soit avoir un effet inverse et être complètement bateau. Là-dessus je dois remercier Kevin Kerslake, parce qu'il a vraiment su nous motiver, et faire en sorte que je n'ai pas peur d'y aller, et il a réussi à monter la vidéo comme une véritable petite histoire.


Oui, c'est comme si on regardait un petit film. Je crois que c'est la raison pour laquelle je l'apprécie vraiment.
Scott : Je sais, je suis plus fier de cette chanson et de cette vidéo que de toute autre chose.


Si on considère la musique actuelle, il n'y a pas grand chose qui ressemble à Velvet Revolver. Est-ce que c'est difficile d'organiser une tournée ?
Scott : Ca l'est parce que les groupes que nous aimons ne vendent pas. A l'automne on a tourné avec les Distillers, et on nous a dit "Oui, mais ils n'en valent pas la peine, ils ne vendent pas". Mais on s'en fout complètement. Les agents poussent des groupes comme Chevelle, mais il n'y a pas l'ombre d'une chance qu'on les prenne en première partie ! Quand Stone Temple Pilots a été signé, et qu'on a commencé à faire notre place, on n'a jamais pris nos décisions sur la base des conseils de notre label ou fait ce que nos agents voulaient qu'on fasse. On nous a proposé de sortir un disque avec Plush en version acoustique, avec un gros paquet d'argent à la clé. Mais on ne l'a pas fait parce qu'on savait que la version de l'album avait déjà fait sa vie et on ne voulait pas être constamment étiquetés avec ce titre. De toute façon, la version acoustique de Plush a été jouée mais uniquement parce qu'on en a fait une version pour Headbangers Ball, et pas parce que c'était une version commerciale. Ensuite on a fait notre second album, et il a tout de suite été numéro un. On aurait pu choisir de capitaliser sur ça, et faire notre "Runaway Train". Faire des compromis avec l'industrie musicale n'est certainement pas quelque chose à quoi on a envie de se soumettre. Les maisons de disques sont tellement habitués à voir les artistes s'agenouiller et à se faire entuber à sec.


On trouve de plus en plus de groupes de rock dans les charts, avec des ballades notamment. En ce moment on trouve Hoobastank, Finger 11... Est-ce que vous avez des attentes particulières avec "Fall To Pieces", pour relever un peu le niveau ?
Scott : Tu sais quoi, c'est un peu vaseux de dire ça, mais j'ai toujours eu beaucoup d'attentes à l'égard de cette chanson. C'est le mélange des paroles, de la mélodie, et la façon dont elle s'accorde avec la guitare de Slash, tu sais la façon dont il joue sa mélodie en cascade, c'est vraiment sa signature. En même temps c'est un peu un cri de désespoir, et le titre fonctionne en partie parce que traversé tous ces moments difficiles. En tant qu'auteur, je sens que cette chanson aura un impact positif sur les gens.


D'un point de vue personnel, est ce que le clip est une sorte de témoignage ? Ca montre à toutes les personnes qui t'ont jugé et qui continuent à le faire, un côté de ta personnalité qu'ils ne pourront jamais comprendre à moins d'être eux-mêmes passés par là, ou de leurs amis ou un membre de leur famille. Y a t-il espoir que les gens qui voient ce clip réalisent qu'il y a une vraie profondeur dans les problèmes que tu as traversés, et qu'ils ne se rendent pas compte que ça leur avait échappé jusqu'alors ?
Scott : Oui, parce que je crois que ce titre provoque l'empathie. Quand j'étais jeune, je me plaignais beaucoup, et je crois que c'était essentiellement dû à cette jeunesse. Tous les artistes qui sont passés par ce quoi j'ai vécu étaient comme moi, on se plaignait tous beaucoup. L'héroïne était partout, et on a beaucoup d'expériences en commun sur la drogue. Mais maintenant, je gère les retombées de ces expériences comme un homme et je suis fatigué de me plaindre. Cette chanson est une bonne évocation de mes sentiments. Le fait que les gens s'attachent à cette chanson me rend vraiment heureux. En fait on peut voir deux conflits dans la vidéo, celui avec la drogue et celui lié à la perte de ma femme. Mais ce n'est pas du tout un truc du genre "oh pauvre de moi, plaignez moi" : je ne suis pas un gros bébé pleurnichard. J'ai remarqué que les filles sont attirées par ce titre, en tous cas, ça leur parle. Globalement cette chanson émeut les gens mais à un niveau plus universel.


En fait les femmes sont peut-être attirées par le côté sensible de la chanson, et sa fin qui fait un peu conte de fées.
Scott : C'est juste. Le statut de rock star m'a toujours intrigué. Les mecs veulent être comme eux, les filles les veulent dans leur lit, mais depuis les huit dernières années au moins je n'ai pas vu un seul rocker qui m'ait vraiment frappé. Je n'aimerai être à la place d'aucun d'entre eux. Et de toute façon la plupart des rockers d'aujourd'hui ressemblent à des roadies.


Scott vient de me dire que la tournée européenne a été un peu rude.
Matt : A mon sens c'était une tournée difficile au vu du nombre de concerts qu'on a donnés. Je crois que c'est la tournée la plus difficile que j'ai jamais faite. Juste avant de partir, je me souviens avoir demandé à un des gars du management "OK, alors on part six semaines et demie en Europe. Et on a combien de jours de libres ?» Et ils me répondent "Deux jours". C'est fou. On faisait quatre dates successives à tel endroit, puis quatre autres dates à la suite avec une session de dédicaces, puis un show TV et pas de temps pour se reposer... C'est ça qui était épuisant. Psychologiquement, le fait de jouer dans les salles de taille réduite, j'ai trouvé ça génial. Bon il y a eu quelques dates où les conditions étaient un peu brutales, comme le concert qu'on a donné en Allemagne, je veux dire, cette salle était un vrai sauna mec. Mais on n'a pas fait que de petits clubs, par exemple le Hammersmith Appollo à Londres, c'est une salle très bien.


En ce qui te concerne, t'es tu senti soucieux du fait que l'album pouvait ne pas être très bien reçu ?
Matt : Non, pas vraiment parce que je sentais qu'on faisait le bon truc au bon moment et avec les bonnes personnes. On était tous dans le même état d'esprit de façon synchro, l'ambiance était bonne et on s'entendait bien. Quand je suis retourné avec The Cult pour faire Beyond Good And Evil, on a essayé de faire un album qui collait à l'air du temps, alors que quand on a commencé à écrire pour Contraband, on n'en avait rien à foutre de ce qui se passait autour de nous, et je crois que c'est aussi ce qui fait sa force. C'est un album de pur rock, même si inconsciemment il a quelques touches un peu plus modernes, comme la production, quelques trucs au niveau de la rythmique, quelques guitares en accordées en ré mais tout ça reste subconscient.


Après vous avoir vu en live, je peux dire que la cohésion du groupe est assez impressionnante.
Matt : Je pense que la beauté de tout ça, c'est qu'on sait très bien le genre de musique qu'on veut jouer, c'est un sentiment collectif. On est tous là et on fait ce qu'on a à faire, c'est-à-dire du rock n' roll. Pour Scott, c'est le groupe le plus rock dans lequel il n'a jamais été, et c'est aussi mon cas. On envoie beaucoup plus fort et de façon beaucoup plus agressive que Guns N' Roses ne l'a jamais fait, sauf quand Axl poussait ses hurlements. Stone Temple Pilots c'était plus assimilable à du grunge, et pas mal de leurs titres étaient assez lents. Concernant le dernier titre de Contraband, "Loving The Alien", on n'était pas tous d'accord sur le fait de le voir apparaître sur l'album. A la base on l'avait écrite et composée pour le fun, et au final la chanson est sortie avec une couleur et une texture tout à fait différente du reste de l'album. Mais on a finalement pensé que c'était une bonne chanson et qu'on pouvait offrir aux gens un titre qui sonnait un peu différemment. Moi je voulais juste faire un putain d'album de rock du début jusqu'à la fin sans jamais rien lâcher.


Tu es passé par Guns N' Roses et The Cult, Scott est passé par Stone Temple Pilots, vous avez tous été dans d'autres groupes. Maintenant que vous êtes un peu plus mûrs, on aurait tendance à penser que vous sortiriez quelque chose de plus soft, particulièrement quand on regarde l'évolution d'autres groupes qui se sont assagis sur les années.
Matt : Je pense que pour nous tous, il y avait pas mal d'anxiété sous-jacente et de frustration latente sur le sujet Guns N' Roses, et je crois qu'on a tout lâché dans Contraband d'une façon assez cathartique. J'avais accumulé pas mal de trucs et j'ai tout évacué dans la musique, et je sais que Slash pourra vous dire la même chose. A la fin de Guns N' Roses, on était tous suicidaires, et moi j'étais défoncé en permanence. On avait été dans le plus grand groupe du monde et maintenant quoi ? Je sais que Guns N' Roses était le bébé de Slash, plus que celui de n'importe qui d'autre. Je n'ai jamais vu quelqu'un donner autant de sa personne pour la musique et pour un groupe que Slash. Toute sa vie est réglée autour de la musique. Je veux dire qu'il a une famille et tout ça, mais sa priorité reste quand même de monter sur scène. Je suis comme lui. Quand Guns N' Roses a splitté, on ne savait pas quoi faire, et ça a été difficile pour nous tous. Alors on s'est tous posés, et on a fait un peu d'introspection, mais on n'avait alors jamais été jusqu'au point de retrouver les mêmes sensations qu'on avait pu avoir avec Guns N' Roses.


Est ce que tu ressens que vous avez accompli quelque chose avec Velvet Revolver ?
Matt : Tu sais, je me sens bien mieux dans ce groupe que dans Guns N' Roses. Il y a vraiment quelque chose de spécial avec Velvet Revolver. On fait tellement de trucs de façon collective. On a envie de se parler, de traîner ensemble et de faire de la musique ensemble. Guns N' Roses, c'était devenu la Gestapo. Tout était dirigé par un mec qui avait une vision de ce qu'il voulait que le groupe soit. Dans Velvet Revolver, on aime juste être ensemble et jouer. Tout le monde est excité à l'idée de proposer de nouveaux riffs. Avec Guns N' Roses, on arrivait avec du nouveau matériel et Axl disait que c'était de la merde. Dans Velvet Revolver, personne n'a ce genre de comportement. On garde l'esprit ouvert. J'ai même composé quelques riffs pour l'album, notamment "Set Me Free" et "Spectacle" à la guitare. A ce stade de ma carrière, avoir le reste du groupe assis devant moi en train de m'écouter à la guitare, c'était vraiment un très très grand moment. Jouer de la guitare devant Slash, c'est vraiment le pied. C'est comme une très très bonne vibe, et le groupe est assez représentatif de ça.


Quand on fait la session photo pour la couverture du mois dernier, on avait mis le Live At Budokan de Cheap Trick et Scott avait dit que ce serait une bonne reprise. Vous l'avez enregistrée depuis, non ?
Matt : Oui, on l'a fait.


Quelles sont les autres reprises que vous avez enregistrées ?
Matt : On a fait "No More, No More" et une version de "Tie Your Mother Down", mais elle n'est pas terminée. Il nous reste encore quelques trucs en réserve. On préfère étaler des reprises et des faces B plutôt que de brader de bons titres, et puis c'est toujours sympa d'entendre de nouvelles interprétations.


C'est pas très fréquent dans l'industrie musicale de pouvoir être sûr de quoique ce soit, mais en ce qui concerne "Fall To Pieces", ça semble bien parti. Quelles sont tes attentes vis-à-vis de ce single ?
Matt : Le label était à fond sur "Fall To Pieces", et nous on était plus du genre "OK...". Je voulais attendre et ne sortir ce titre qu'en troisième single, et choisir un second titre un peu plus rock. Je veux dire que KROQ joue déjà "Big Machine", tout comme d'autres radios, parce que c'est ce qu'elles ont envie d'entendre et de diffuser. Mais "Fall To Pieces" commence à bien marcher, il passe en boucle sur VH1, et a été numéro 1 sur pas mal de charts. On commence à voir les ventes progresser. Le truc, c'est que le clip a effrayé la maison de disques. Mais c'est exactement le genre de groupe que nous sommes, on fait du rock honnête et on ne va pas sortir un clip pop rock à l'eau de rose !! On fait les vidéos qui nous semblent sensées. La première version était beaucoup plus crue : plus de sexe, plus de violence. Mais quand on était sur le tournage, tout ça me paraissait naturel. On est un groupe qui travaille beaucoup, on peut faire en deux jours ce qui prenait deux semaines dans Guns N' Roses, parce qu'Axl ne se pointait pas. D'ailleurs je crois que ça nous a pris un mois pour faire "Don't Cry", alors que "Fall To Pieces" a été bouclée en trois jours.


Le succès de la chanson devrait faire en sorte que votre prochaine tournée ait plus de moyens. J'ai entendu dire que trouver un groupe pour faire votre ouverture était un sacré challenge.
Matt : On n'arrive pas à trouver de première partie ! Nos agents nous lâchent "euh, Chevelle ?". Chevelle, il n'y a pas moyen ! Tu as entendu parler des Burning Brides ? On parle aux promoteurs de la tournée et ils nous disent " noooon, pas assez vendeur". Bordel, parfois je me demande pourquoi on ne jouerai pas dans des salles plus petites pour échapper à tout ça. J'espère que le travail qu'on a fourni dans les quatre ou cinq derniers mois et notamment lors de la première tournée, va donner envie aux gens de nous voir à nouveau. On va ajouter beaucoup de moyens, de la lumière, des effets visuels, plus de musique et plein d'autres choses.


Ca vous a pris un sacré bout de temps pour trouver un chanteur. Vous n'avez jamais pensé que vous ne trouveriez peut-être jamais ?
Matt : Mec, VH1 nous a suivi pendant un an pour faire un documentaire, et c'était tout au début de cette histoire. Quand tu le verras, tu te rendras compte à quel point on était frustrés, surtout moi. Soyons réalistes : Slash et Duff, il ont écrit Fucking Appetite For Destruction, tu vois ce que je veux dire ? Et moi ?? Je suis un musicien qui bosse !! Je suis du style, allez on monte sur scène et on joue un motherfucking rock n' roll. Je ne vais pas laisser passer dix ans de ma vie à attendre de sortir un putain d'album. Je veux jouer et je leur ai dit "Slash, Duff, c'est pas un putain de hobby pour moi, mais si c'en est un et qu'on descend tous les jours au studio de répète et qu'on déchire tout pour rien, alors merde !! Il faut qu'on trouve un chanteur et maintenant !!". J'ai assez donné pour ne pas avoir à revivre ce genre de conneries. Je veux dire que quand j'ai emménagé à Hollywood au début des années 80, j'étais le genre de mec qui sortait, trouvait un autre musicien, et au premier coup d'œil, je savais si le gars était bon ou pas. J'ai toujours eu ce feeling, et c'est pareil pour les autres membres du groupe. Slash et Duff, ils savent dans combien de groupes j'ai été avant Guns N' Roses, alors quand tous ces mecs se pointaient dans le studio pour auditionner, moi, j'étais comme un fou, du genre "Pas moyen !" alors que Slash et Duff étaient plus "Allez, donne lui une chance...» Une chance !! Mais bordel qu'est ce qui se passe ici !! Il a eu sa chance de pouvoir conduire jusqu'ici, alors maintenant qu'il rentre chez lui.


Le processus d'audition a donc été si rude ?
Matt : Des mecs comme Travis Meeks des Days of The New se pointaient et moi je me disais, "et merde, j'en reviens pas qu'on ait ce genre de conversation". Je veux dire on avait Axl Rose en frontman, un des meilleurs, et pas juste le meilleur des années 80 ou même des années 90 ! C'est comme Freddy Mercury ou cet enfoiré d'Ozzy. On devait trouver un mec avec du charisme, une voix, et des mélodies. Je me souviens avoir proposé Scott et tout le monde avait dit "Ah ouais, Scott Weiland !". Et je veux dire que tous les plus grands frontmen sont barges. Regardez Tommy Lee !! C'est un putain de batteur, et il est complètement massacré. Tous les plus grands sont branques.


Alors tu es complètement barge ?
Matt : Non, je suis un batteur convenable.


Juste convenable... Alors tu as le droit de garder un minimum de santé mentale !
Matt : Oui, je ne peux pas jouer dans la cour de mecs comme Keith Moon ou John Bonham. Mais bon, je suis encore en vie ! Avec toutes les frustrations qu'on avait accumulées, on savait tous que tout ça allait ressortir super fort, sachant le parcours qu'on a eu. A un moment je me suis dit qu'il fallait que je trouve un t-shirt disant "J'ai été un pire drogué que lui, je me suis juste jamais fait chopper". On a la grande opportunité de sortir et jouer notre rock alors pourquoi tout foutre en l'air ? Alors on est simplement resté à ses côtés, parce qu'on savait qu'on arriverait à dépasser tout ça si on l'épaulait un peu pour le sortir de toute cette merde. Il y a un vrai sentiment de camaraderie entre nous, je ne sais pas comment ça se passait dans Stone Temple Pilots, mais j'imagine que leurs relations étaient plus dures et colériques. Mais bon, on a pas non plus joué les nurses, on l'a juste soutenu de façon différente de ce qu'ont fait les membres de Stone Temple Pilots. Cette histoire a certainement fait beaucoup de dégâts. Mais je crois qu'il y avait trop de ressentiment entre eux. Avec nous, c'est différent, on est tous passés par là. Il pouvait peut être leur masquer la vérité, mais pas à nous. Je veux dire s'il prend quelque chose, on va forcément le savoir. Et il se trouve qu'on a réussi à traverser tout ça.


Est-ce que les choses deviennent plus simples à la longue ? Est-ce que c'est plus facile avec Velvet Revolver que quand tu étais dans Guns N' Roses ?
Matt : Oh oui, mais c'est le cas pour tout. Tu apprends à apprécier les choses à leur juste valeur, et tu ne prends pas tout pour acquis. Guns N' Roses c'était une course folle, c'était dur de tenir le coup, en fait on s'abandonnait de la façon la plus irresponsable et la plus sans issue possible. Il y avait trop de drames, trop de gens qui nous entouraient : la situation était hors de contrôle. Mon emploi du temps était organisé par un mec que je n'aimais pas vraiment. Ma vie était contrôlée par ce mec, alors que maintenant, j'ai vraiment un avis à donner dans ce groupe et on a tous très bien conscience de la chance qu'on a, alors crois moi, on ne va pas la foutre en l'air.


Interview publiée en 2004 dans le magazine "Metal Edge".